Ebola

Lutte contre l’épidémie de la maladie à virus Ebola dans l’espace CEDEAO


 

Introduction

Les systèmes de santé des pays de l’espace CEDEAO éprouvent de réelles difficultés à répondre efficacement et adéquatement aux besoins des populations. Les faiblesses dans la gouvernance, la croissance économique, dans la maîtrise de la démographie, la pauvreté, les crises en ressources notamment humaines, sociopolitiques, énergétiques, sécuritaires, l’instabilité, l’insécurité alimentaire et les changements climatiques sont, entre autres, sont les causes majeures de cette situation. Par ailleurs, la région se trouve confrontée à de récurrentes épidémies de choléra, de rougeole, de méningite, de fièvre Lassa, pour ne citer que celles-là et qui mettent à mal nos systèmes de santé déjà fragiles et causant d’énormes souffrances aux populations. Ces épidémies représentent un lourd fardeau économique qui freine le développement socio-économique et la libre circulation des biens et des personnes dans notre espace communautaire. C’est dans ce contexte qu’est apparue l’épidémie de la maladie à virus Ebola, l’une des plus virulentes et meurtrières jamais enregistrées depuis l’apparition de ce virus en Afrique il y a près de 40 ans. Dans l’espace CEDEAO, la Guinée a été le premier pays à déclarer l’épidémie le 21 Mars 2014. Depuis cette déclaration officielle de l’épidémie dans la région, selon les données les plus récentes, le nombre de cas cumulés enregistrés a dépassé 19 000 avec malheureusement plus de 7 500 décès.

Pays affectés Cas et décès (suspects, probables et confirmés) par pays
Cas Décès Létalité
Guinée 2597 1607 61.9%
Liberia 7862 3384 43.0%
Mali 7 5
Nigeria 20 8
Senegal 1 0
Sierra-Leone 9004 2582 28,7%
CEDEAO 19 521 7601

Tableau 1: Cas et décès cumulés de maladie à virus Ebola dans les pays affectés jusqu’a la date du 28 décembre 2014.

Il est à noter que parmi le personnel soignant, il y a eu plus de 500 cas dont plus de 200 décès depuis le début de l’épidémie. Les pays ayant enregistré de cas sont la Guinée,la Sierra Leone, le Liberia, le Mali, le Sénégal et le Nigeria. Il est important de préciser que ces trois derniers pays ont pu juguler l’épidémie et ont été déclarés indemnes de la maladie. Le dernier sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, qui s’est tenu à Accra le 6 novembre 2014, après avoir analysé la situation de l’épidémie de la maladie à virus Ebola et approuvé le mémorandum soumis à leur intention, a fait plusieurs recommandations aux Etats membres, à la CEDEAO et aux partenaires. Le sommet a aussi pris une importante décision relative à la désignation du Président de la République Togolaise pour coordonner les interventions de la CEDEAO dans le processus de riposte en vue d’assurer l’efficacité de tous les efforts déployés. Rappel des actions les plus importantes menées : Alerte et information des Etats par l’OOAS : La Direction Générale de l’OOAS, a, dès la notification des premiers cas en Guinée, envoyé une note circulaire d’information à tous les Ministres de la Santé de notre espace CEDEAO pour leur indiquer les mesures immédiates à prendre pour prévenir et lutter contre cette épidémie.En plus, chaque semaine, une analyse de la situation de la maladie à virus Ebola (MVE) dans l’espace CEDEAO est faite par l’OOAS et partagée avec les états. Plaidoyer / mobilisation de ressources :

  • Elaboration par l’OOAS en Juin 2014 d’un plan de lutte contre la maladie à virus EBOLA ; ce plan était plus centré sur les interventions sanitaires
  • Signature le 19 mai 2014 d’une lettre d’accord tripartite entre l’OOAS, l’OMS et la BAD pour un montant de 3 091 136 USD, pour une assistance à caractère exceptionnel et urgent pour la lutte contre l’épidémie de la maladie à virus Ebola en Guinée et les pays frontaliers (Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée Bissau, Libéria, Mali, Sénégal et Sierra Leone);
  • Présentation par l’ OOAS de la situation épidémiologique aux Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO lors de leur 45èmeSommet tenu du 10 au11 juillet 2014 à Accra. Suite à cette présentation, le Nigeria a octroyé 3,5 millions de USD et la Côte d’Ivoire 1 million de USD pour appuyer la lutte contre l’épidémie de la maladie à virus Ebola;
  • Elaboration en septembre 2014 par la commission et l’OOAS d’un plan multisectoriel régional pour tenir compte des autres secteurs: Ce plan a été partagé avec les principaux partenaires (BAD, BM, UEMOA, UA, JICA, Union Européenne, Fondation Bill et Melinda Gates, USAID). Il a aussi été présenté au cours d’une réunion avec les partenaires organisée par le président de la commission de la CEDEAO à Abuja;
  • Rencontres avec la BAD et signature d’un accord de subvention en octobre 2014 pour un montant de 5,900.000 USD pour soutenir le déploiement de personnel médical en Guinée, Sierra Leone et Liberia;
  • Présentation par le Président de la Commission de la CEDEAO d’un mémorandum au sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, qui s’est tenu à Accra le 6 novembre 2014. Suite à cette présentation, d’importantes annonces de contribution au fonds régional de solidarité ont été faites. Ainsi le Bénin et le Niger ont contribués respectivement pour 400,000 et 200,000 USD portant ainsi la contribution totale des Etats Membres au Fonds de Solidarité à 5,100.000 USD.
  • Une feuille de route a été élaborée et est actuellement mise en Å“uvre par le Président du Togo, suite à sa désignation comme Coordonnateur Régional des interventions de la CEDEAO.
  • Présentation de la situation de l’épidémie de la maladie à virus Ebola lors de la 46ème session ordinaire du sommet des Chefs d’Etat de Gouvernement des pays de la CEDEAO.

Renforcement de la coordination et du leadership national et régional :

  • Présentation détaillée sur la situation de l’épidémie lors de la 15ème réunion ordinaire de l’Assemblée des Ministres de la Santé (AMS) tenue à Monrovia du 11 au 12 avril 2014. Les présentations faites ont rappelées les mesures et dispositions à prendre par la région et par l’ensemble des pays membres en vue de lutter efficacement contre l’épidémie.
  • Les ministres de la santé ont adopté une déclaration dans laquelle ils ont demandés la mise en place d’un Fonds régional de solidarité permettant une réaction rapide aux urgences de santé publique dans les pays de la CEDEAO y compris la maladie à virus EBOLA.
  • Tenue le 28 août 2014 à Accra d’une réunion extraordinaire de l’Assemblée des Ministres de la Santé (AMS) de la CEDEAO sur décision du Président en exercice de la CEDEAO, le président de la république du Ghana. Cette réunion avait pour l’objectif de renforcer la coordination des interventions en vue d’augmenter leur efficacité. Les ministres de la santé ont pris entre autres la décision de mettre en place un dispositif régional de suivi et de coordination avec la création de deux structures dont le Groupe ministériel de coordination et le Groupe technique multisectoriel de suivi et de veille.
  • Production, validation et diffusion des documents de consensus sur les aspects fondamentaux de la prise en charge de l’épidémie de la maladie à virus Ebola:
  • Appui à l’élaboration des plans nationaux de réponse
  • Stratégie de détection et de prise en charge des cas
  • Diagnostic biologique (identification des laboratoires dans la région ouest africaine et/ou ailleurs et mesures à prendre en vue de faciliter les tests)
  • Gestion des contacts et Gestion des cadavres
  • Surveillance épidémiologique au niveau des frontières
  • Stratégie de négociation avec les leaders religieux et coutumiers
  • Tenue à Conakry de la réunion de planification des activités transfrontalières synchronisées des 3 pays affectés et de concertation avec les différents acteurs de la lutte notamment l’OMS, MSF et les équipes nationales de coordination et de riposte ;
  • Déploiement de 11 professionnels de l’OOAS (Guinée, Sierra Leone et Liberia) pour appuyer les efforts de coordination nationaleet suivre l’état d’avancement de la mise en Å“uvre des décisions et recommandations issues de l’AMS extraordinaire d’Accra.
  • Appui technique et financier aux coordinations nationales mises en place (Guinée, Sierra Leone, Liberia, Gambie, Mali)
  • Missions de suivi dans tous les pays pour s’assurer de la mise en Å“uvre des décisions et recommandations des instances communautaires, notamment les décisions et recommandations issues de l’AMS extraordinaire d’Accra.
  • Visite du Président de la commission de la CEDEAO dans les 3 pays les plus affectés (Guinée, Sierra Leone et Liberia) en compagnie du représentant des NU en Afrique de l’Ouest
  • Rencontre entre la CEDEAO et la mission des Nations unies (UNMEER) basée à Accra pour mieux coordonner les interventions dans les pays
  • Visite de travail du Président de la Commission de la CEDEAO pour présenterau Chef d’Etat de la République Togolaise une feuille de route pour les prochaines six mois en sa qualité de coordinateur régional des interventions de la CEDEAO.

Appui à la mise en Å“uvre des interventions de riposte à l’épidémie de la maladie à virus Ebola

  • Elaboration et démarrage du projet « West African Disease Surveillance and Response ». Ce projet vise à renforcer la capacité des pays pour détecter à temps les maladies à potentiel épidémique et organiser une réponse adéquate;
  • Appui direct aux pays pour:
  • Renforcement des mécanismes de coordination nationale
  • Formation des agents de santé à tous les niveaux
  • Mobilisation sociale et communautaire
  • Acquisition de matériels, équipements médicaux et consommables
  • Renforcement des dispositifs de surveillance épidémiologique aux points d’entrées et de sorties et de prise en charge avec la mise en place de centres de traitement
  • Formation et déploiement de 118 agents de santé (médecins, infirmiers et techniciens d’hygiènes) en Guinée, Sierra Leone et Liberia pour soutenir les efforts dans la prise en charge de l’épidémie grâce à l’appui de la BAD et désignation d’un représentant de la CEDEAO dans chaque pays pour participer à la coordination multisectorielle au niveau local

Principaux résultats obtenus

  • Existence de plans nationaux de lutte contre l’épidémie de la maladie à virus Ebola dans les 15 pays de la CEDEAO;
  • Mise en place d’organes et de mécanismes fonctionnels de coordination multisectorielle, de suivi et d’évaluation de la lutte contre l’épidémie de la maladie à virus Ebola dans tous les pays;
  • Existence d’un plan régional de lutte contre l’épidémie de la maladie à virus Ebola;
  • Contribution significative des Etats au fond régional de solidarité et des partenaires au financement des plans nationaux;
  • Renforcement des systèmes de surveillance épidémiologique et de prise en charge de la maladie avec notamment:
  • Mise en Å“uvre des activités de communication pour le changement de comportement y compris celles pour assurer des enterrements sécurisés;
  • Mise en place de mesures de prévention de la transmission de la maladie au niveau des pays (marchés, lieus de cultes, aéroports, écoles, structures de santé, …) et aux frontières;
  • Renforcement du dispositif de diagnostic et de mesures relatives à la recherche (laboratoires spécialisés capables de faire les tests sur place et essais cliniques pour un vaccin);
  • Amélioration progressive du suivi des contacts et de la prise en charge de cas;
  • Fin de l’épidémie dans deux pays affectés (Nigeria et Sénégal); et Diminution progressive du nombre des nouveaux cas dans les pays touchés

Difficultés et contraintes :

  • Faiblesse des systèmes de santé;
  • Connaissance limitée sur la maladie à virus Ebola;
  • Manque de ressources rapidement mobilisables au niveau des pays et de l’OOAS pour permettre une réponse rapide au moment critique de début de l’épidémie;
  • Insuffisance du financement du secteur de la santé dans les états;
  • Implication et adhésion insuffisante des communautés dans la promotion de la santé;
  • Insuffisance dans la coordination, le suivi et la mise en Å“uvre des stratégies régionales d’interventions en situation d’urgence;
  • Faible coopération entre les états pour la lutte et le contrôle des épidémies transfrontalières;
  • Insuffisance des ressources financières au niveau de la CEDEAO pour lutter efficacement contre les épidémies dans la région;
  • Insuffisance de la communication pour l’adoption de comportements positifs;
  • Persistance de la fermeture des frontières terrestres, et suspension des liaisons aériennes;
  • Retard et faiblesse de la solidarité régionale et internationale.

Perspectives

  • Poursuite des visites de travail et d’appui technique aux pays affectés et non affectés pour suivre l’application des protocoles sur la prise en charge et les dispositifs de prévention;
  • Réunion sur les modalités de mise en place d’un modèle de Centre Régional de Surveillance Epidémiologique et de prévention de la maladie (CRSEP) de la CEDEAO et des étapes de sa mise en Å“uvre;
  • Mise en place d’un mécanisme de déploiement d’équipe d’intervention rapide dotée de moyens humains, financiers et logistiques pour son fonctionnement;
  • Organisation d’une réunion de haut niveau sur le renforcement des systèmes de santé (en collaboration avec OMS);
  • Poursuite des réunions du groupe technique de suivi et de veille et du groupe ministériel de coordination;et organisation d’une rencontre entre la CEDEAO, l’UA, l’UNMEER et les autres partenaires techniques et financiers
  • Poursuite de l’appui à la coordination dans les trois pays affectés;
  • Suivi et évaluation du déploiement du personnel dans les trois pays affectés;
  • Capitalisation des résultats du projet « West African Disease Surveillance and Response » en vue de la mise à l’échelle de ce modèle pour renforcer la surveillance épidémiologique.
  • Renforcement des capacités des journalistes et des acteurs de la mobilisation sociale et communautaire,
  • Plaidoyer pour l’ouverture progressive de couloirs humanitaires, sanitaires et économiques et reprise progressive des liaisons aériennes en direction des pays les plus touchés;
  • Poursuite du plaidoyer pour la mobilisation des ressources financières pour les interventions relatives au renforcement des systèmes de santé.

Situation du fonds régional de solidarité Les contributions effectives actuelles (en USD) se résument comme suit:

Etats membres Niveau de contribution en $ Date de réception de fonds
Nigeria 3 500 000 25/08/2014
Cote d’Ivoire 1 000 000 8/09/2014
Benin 400 000 7/11/2014
Niger 200 000 11/11/2014
Cape Verde 84 409 01/12/2014
Togo 500 000 15/12/2014
Total 5 684 409 US$

Les contributions annoncées au dernier sommet des chefs d’états mais non encore reçues :

Etats membres Niveau de contribution annoncée
Sénégal 1 000 000
Mali 500 000
Nigeria 1 000 000
Burkina-Faso 140 000
Total 2 640 000 US$

L’ensemble des contributions (effective et annoncée) est de 8 324 409 US$. Ces contributions ont permis d’appuyer directement les pays les plus affectés comme: Guinée (1 216 239), Sierra Leone (619 109), et Liberia (500 000) ; mais aussi les autres pays dans des domaines aussi variés que la formation, les équipements et consommables, la mobilisation sociale, la surveillance, etc. Sur les 5 684 409 reçus, à la date du 5 Janvier 2015 sont de 4 907 819 $ ont été dépensés et 500 000$ transférés à la commission, ce qui porte le montant total de sorties à 5 407 819$, d’où un reliquat de 276 590$

Total des contributions effectives en $ Total des sorties (dépenses et transfert) Reliquat
5 684 409 5 407 819 276 590

En plus, la CEDEAO a directement contribué aux efforts des 3 pays les plus affectés en allouant 3 millions US$ à raison d’un million par pays

Conclusion A ce jour, plusieurs activités ont été menées pour contrer l’épidémie de la MVE avec l’appui technique et financier de plusieurs partenaires et la mobilisation des pays et de la CEDEAO. Sur le plan épidémiologique, on constate une tendance à la baisse du nombre de nouveaux cas. En dehors de la Guinée où la létalité demeure encore forte, on note une tendance à la baisse dans les deux autres pays (Sierra Leone et Liberia). Aussi, cette épidémie vient-elle nous rappeler encore une fois que:

  • La mobilisation rapide de ressources additionnelles au niveau des pays et de la CEDEAO pour permettre une réponse rapide au moment critique de l’épidémie est plus que nécessaire.
  • Le renforcement des systèmes de santé de nos pays et le financement adéquat de la santé deviennent une priorité, d’où l’importance du plaidoyer au niveau des pays pour se conformer à la Déclaration d’Abuja en consacrant au moins 15% de leur budget annuel à la santé.

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